Peux-tu nous parler de ta mission en tant que volontaire ?
Je participe aux activités d’une œuvre jésuite située à Tacna, au sud du Pérou, appelée Asociación Centro Cristo Rey del Niño y Adolescente. Cette organisation propose différents programmes sociaux avec un public et une problématique différente. Mon volontariat a pour objectif d’apporter mon soutien à l’association, et un autre regard portant sur le travail social. Malheureusement, je rencontre certaines difficultés à remplir ce dernier rôle ; j’ai donc davantage un rôle de soutien dans les activités proposées par le centre.
- Je travaille 4 fois par semaine dans deux ludothèques situées dans une zone défavorisée de Tacna. Ma mission est d’aider aux devoirs et de veiller au bon déroulement des activités proposées par l’éducatrice responsable. J’ai un rôle d’encadrement et de soutien moral pour les enfants.
- Je participe aussi le mardi matin au programme MAFI : il s’agit de créer une relation d’aide et de soutien aux mamans adolescentes. Nous faisons des exercices de stimulations avec les mères et leurs enfants, et nous échangeons autour de thématiques sociales.
- Enfin, j’aide également lors d’évènements spécifiques organisés par le centre, et j’accompagne les autres membres de l’association lors de leurs visites à domiciles.
Comment vis-tu cette expérience ?
C’est une expérience que je vis avec des émotions très variées. J’ai vécu l’un des plus grands chocs culturels de ma vie. Quand j’ai commencé cette mission, je ne comprenais ni la langue, ni les comportements, ni l’organisation institutionnelle, pas plus que la posture professionnelle. En effet, j’ai rapidement réalisé que je n’étais pas forcément en adéquation avec la manière de traiter les situations sociales par la direction, ni avec les valeurs qu’elle véhicule.
Pour autant, cela a été une expérience riche en réflexion, et riche humainement. Le travail avec les enfants n’a pas été évident au début, mais j’ai réussi à créer une vraie relation avec eux, ainsi qu’avec certaines mamans. À ce jour, je ressors grandie de cette expérience de vie en Amérique Latine, et avec un autre regard sur le travail social. Cela confirme l’idée que nous devons défendre notre profession et les valeurs qu’elle véhicule.
Comment s’est passé l’accompagnement de Sems International sur cette mission ?
J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de pouvoir échanger avec le président de l’association. Nous avons eu plusieurs moments de partage sur les contours de ma mission ainsi que les difficultés rencontrées. J’ai également rencontré les autres volontaires lors des temps de groupe d’analyse des pratiques organisés par la psychologue de Sems. Enfin, j’ai eu un entretien avec la psychologue Marie au moment où j’ai traversé une période de doute.
Une anecdote que tu aimerais nous partager sur ta mission ?
C’était un samedi, le centre avait organisé une feria. Il s’agit d’un évènement où sont invités tous les acteurs du territoire et les familles à se rencontrer. En français, nous appellerions cela un salon, comme le salon de l’emploi par exemple. Chaque institution installe un stand afin de présenter ses actions, et de répondre aux questions des familles présentes.
Pour venir, nous avons utilisé la camionnette du centre qui compte huit places. Sur la route, nous nous sommes arrêtés pour emmener un groupe de femmes. Nous étions déjà quatre dans la camionnette, et une fois les huit places prises, les jeunes femmes continuaient à monter, et je me disais : ce n’est pas possible, plus personne ne va rentrer. Au final, nous étions plus de douze dans cette camionnette. Il faut savoir qu’au Pérou, tout est possible : j’ai vite appris qu’il y a toujours de la place si on le souhaite !
Un moment en particulier, un échange, une journée qui t’a marquée ?
Nous avons participé un samedi, avec la secrétaire du centre et les stagiaires travailleuses sociales, à une journée organisée par un collectif appelé Rodantes Tacna. Ce collectif organise des journées et des sorties à vélo, pour défendre le droit des femmes à faire du vélo en ville en toute sécurité, et promouvoir un transport sans pollution.
Cette journée m’a beaucoup marquée, car nous avons pris tout l’espace sur la route, permettant à chaque femme de se sentir plus forte et plus libre. J’ai trouvé cette initiative très forte. La situation des femmes au Pérou et plus largement en Amérique Latine est très difficile, et je trouve que ces moments sont géniaux.
Je me suis sentie moi aussi forte ce jour-là, entourée de ces femmes, alors que j’ai d’habitude peur en vélo sur la route. Je n’avais pas pris conscience avant ce jour à quel point il pouvait être dangereux de faire du vélo dans certains pays. J’ai remarqué par la suite qu’effectivement seuls les hommes à Tacna sont en vélo sauf rares exceptions.